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29 mars 2010 1 29 /03 /mars /2010 21:54
 

DRAGUE A LA MILIANAISE.

EPISODE 03

LE CINEMA.

 Design-et-plastique-Africain01794_640x480-copie-1.jpgLes Milianais furent initiés au cinéma à un âge précoce. L’absence de ce grand moyen de culturation, de divertissement et d’animation manque beaucoup aux habitants de cette ville. Depuis sa disparition la vie est devenue encore plus morose.

 

Un gâchis immense et incommensurable. Il y’avait au moins cinq espaces différents de projection de films, dans l’intra muros seulement. Le cinéma  « Variété », le « Splendid », « Le plein air », et le cinéma scolaire dont on peut en compter deux salles. Une hébergée à l’école « Charles Andrei » l’actuel « Kadi Miliani ». L’autre à l’école « A’ rab ».

Dotées de projecteurs 16mm, ils projetaient chaque samedi soir un film à l’intention des écoles.

 

Quel gâchis messiers les décideurs. Tous les classiques,  de « Zorro », à «  Tarzan », en passant par les œuvres du cinéma  muet universel y  étaient programmés. Je les ai découverts, en étant  écolier ! Assis sur une table, il n’y avait pas assez de place. Les deux cents élèves occupaient chaque centimètre de l’espace. Il ne reste plus qu’à s’arranger comme on peut. Dans la pénombre, des centaines d’images défilent dans un rythme enchanteur. Du plus profond de moi-même, je décidais de faire ça. Devenir cinéaste ! Je le suis.

 Je n’ai jamais pensé à ce moment là que cela pourrait être aussi pénible.

Plus de cinéma plus de films plus de rêves.  La lampe s’est éteinte.  Le support cellulose  a cramé en plein écran.

 

L’’avènement du Cinéma a commencé en 1911 à Miliana. Un siècle,  bientôt. Un certain M. Allègre arrive d’Europe. Il veut  faire fortune, dans un tout autre registre : l’industrie du cinéma.

 Il envoya une demande d’autorisation au maire et au sous préfet pour lui permettre de donner des spectacles cinématographiques payants. Une première fois en cette date. La demande lui fut refusée sin die. Les raisons arbitraires invoquées, relèvent, comme on dit chez nous, de la Hogra pure et simple. Il ne désespère et revient à la rescousse en 1914.  La guerre faisait rage sur le continent. Le souffre du  premier conflit meurtrier, se faisait sentir de plus en plus.

Il écrivait une seconde demande, pour la seconde fois. La lecture de cette missive (l’original est en ma possession) m’a donné la chair de poule.

 

Certainement qu’il a compris l’astuce et la manière de traiter avec l’administration : Ces compatriotes. Il avançait un argument de taille.  Très alléchant : la municipalité percevra 10% de la recette comme aide à la guerre. Sa demande fut agréée et il commença à donner ces premières séances. J’ignore la suite des péripétiesDesign-et-plastique-Africain01855_640x480.jpg de cet homme malheureusement

 Ces cinémas se développèrent tellement  qu’ils sont devenus incontournables, particulièrement les samedis soir.

 

Dans mon quartier, «  houmet Tiss » ou « Houmet tennis » les choses ont pris  beaucoup d’ampleur. Chaque individu programmait un film par semaine. Soit au « Variété » ou au « Splendid »,  Chez Ammi Boumaza, l’homme à la Chéchia rouge … 

Tous les moyens sont bons pour pouvoir s’acquitter du billet d’entrée. Vente de vieux journaux, de pains secs ou de simples objets qui trainent à la maison et qui ne servent peut être à rien du tout.

A défaut de ces sources de financement, il  reste Ammi M’hamed pour aller casser un quintal d’amendes contre 20c. C’est toujours  cela de gagner. En plus Ammi Boumaza va casser les prix et acceptera certainement ce que vous  avez en poche. Il faut toujours avoir un strict minimum pour le glisser dans la chéchia à la fermeture de la caisse. Un petit pécule forfaitaire.

 

 L’acquittement du billet nous est fourni  contre  « des travaux forcés » chez Ammi M’hamed. Un vieux personnage

Un fort vieux et bel homme. Il ne se lasse jamais de scruter furtivement les jambes des femmes d’en dessous leurs  voiles blancs, qui passent ou qui lui demandaient les prix des rares denrées alimentaires qu’il exposait sur des étalages en bois irrégulièrement arrangées et couverts de vieux journaux . Pour faire branché, beau, et propre.

 

 Il s’assoit le plus souvent, à même le trottoir, en croisé devant son magasin. Un sac de semoule vide,  portant parfois la marque du fabricant, en guise de chaise. Ses fesses débordaient sur les cotés.  Il dépose ses sacs d’amandes naturels et non épluchés,  à portée de mains. A l’aide d’un marteau,  il rythme ses regards. Ces yeux montaient, scrutaient et revenez vers l’enclume. Il dépose une amande. Il lève les yeux. Il lance son marteau en l’air. Il ouvre les doigts. Il lève une énième fois ses yeux.  Il scrute les alentours. Le marteau tape sur l’amande ; la protection éclate. Le fruit tombe indemne à coté. Une autre amande.un coup. Un regard… un coup. Une cadence musicale qu’il est seul à savoir jouer. Illettré, paysan,  inculte,  arrogant et narcissique, Ammi M’hamed !

 

 Les enfants de notre âge, aux besoins pressants de « cénimer » ; trouveront en cette homme un sauveur. Ne pas voir le film à l’affiche vous exclu de toutes les discussions. Vous ne seriez que plus malheureux. Donc cassons les amandes en veillant aux fruits. Le salaire en dépend. Ammi M’hamed est d’autant « plus main large » et généreux que le nombre de femmes voilées, sortaient du bain maure ou allaient pour une visite de courtoisie chez une parente, augmente. Il sera plus distrait.

 

.

 

Les clients, et parDesign-et-plastique-Africain01719_640x480.jpgticulièrement les femmes du quartier, savaient tout sur lui. On acceptait Ammi M’hamed tel qu’il est. Il avait un penchant exagéré pour les dulcinées. On mettait cela sur le compte du retour d’âge. Personne ne peut vous expliquer ce que cela veut dire, y compris de nos jours. Ammi M’hamed,  un Don Juan en burnous et gandoura.

Il parait,  je ne l’ai pas entendu  de mes propres oreilles, que la seule question qu’il sache manipuler était de  demander aux femmes si elles étaient mariées. Allez savoir pourquoi. Un homme épatant du moins pour les sous qu’il nous fournissait pour les places au cinéma. Dans le cas contraire, il n’accepte même pas que vous lui portiez un coup de mains.

 

Tous les jeunes du quartier avaient vent des fantasmes de ce personnage. A midi tapant les ruelles vides se remplissaient d’un brouhaha indescriptible… Les élèves rejoignent leur maison. Quelques minutes après, une belle silhouette apparaît au loin. Ammi M’hamed devient fébrile et fixe la silhouette nonchalante de Melle Alili. Une fort belle femme. Très moderne dans son accoutrement et dans sa démarche. Tous les commerçants se mettent en garde à vous devant la porte de leurs échoppes,   silencieusement. Melle Alili, digne et distinguée arrive. Chaque pas qu’elle faisait s’écrasait sur les cœurs de tous les hommes des environs. La grande classe Melle Alili….

 

 Elle travaille au lycée de filles comme surveillante.  Cheveux coupés à la Sheila, moulue dans son tailleur classique,  tapait la mesure sous les cliquetis de ces souliers à talons hauts, brillants et flambants neufs. Je ne sais pas si elle le fait exprès ou c’est juste une nature douce. Ammi M’hamed,  le regard figé,  fixe une déesse. Il ne cligne même pas des mirettes. Ces derniers faillirent lui sortir des orbites. Il tapait à coté sans s’en rendre compte. Parfois sur les doigts. Aucune réaction… Il est comme tétanisé…

L’ange Gabriel occupa à lui seul la rue Fontenoy en la personne de Melle Alili, durant plusieurs années.

Elle avait une garde robe qu’on pouvait ouvrir,  avec,  un commerce de prêt à portée. Des vêtements dernier cri. Chic et bourgeoise Melle Alili. A la mode et branché. Peut être que l’une des rares femmes qui sublima les hommes de  toutes les rue de son passage.

 

On pouvait même hypothéquer nos prochaines casses d’amandes. Quand il s’énervait, il commençait de bon matin à chercher la petite bête à un autre vieux, Ammi Abdeslam.

 

 

Un cas celui la. On n’a jamais su d’où est ce qu’il vient. Un homme moderne. Il savait lire et écrire. Il épluche quotidiennement El moudjahid, assis sur une chaise confortable devant son officine, contigu à celle d’Ammi M’ hamed.

Cette réserve lui servait de gite et de commerce. Il n’a jamais quitté son magasin de la Rue Fontenoy, jusqu’à sa mort. On se parlait peu, lui et Ammi M’hamed … On se scrute. Le jour de l’enterrement de Ammi M’hamed, il n’a pas cessé de pleurer durant de longues journées, gémissant le martyr  sur sa disparition.

 

Ammi M’hamed Bouch…, un  électricien, nous servait aussi de pourvoyeur. Il ne paie pas bien.Radin sur les bords. Toujours souriant. Il était le seul à connaître les méandres de l’électricité. Toujours tiré à quatre épingles. Séduisant et séducteur. Il avait un besoin incompréhensible de déplacer les objets de leur emplacement chaque semaine. On a jamais compris pourquoi.

Son âge plus jeune, une forme plus dynamique, une apparence plus gentlemen,  le mieux coiffé du quartier, lui accordaient certains avantages. On dirait une star du cinéma. Il se coiffe comme Lex Barker.  Il s’adressait aux passants et passantes d’une façon  dandine,  très provocante et allusive.  Toutes les femmes en raffolaient certainement. Il savait leur parlait. Un  art difficilement maitrisable dans un milieu de macho.

 

Dans le cas ou toutes les portes se referment ; la solution ultime : Ahmed Bensmail (Ahmed  Oulid Djeddid). Un artiste né. Un peintre et bricoleur hors du commun. Il a réussi à reproduire les billets de rentrée au cinéma. Il vous sera  très difficile de reconnaître le vrai du faux billet.

Œuvre magistrale de Modigliani Ahmed Bensmail … 

Et puis il y’a Youcef le conteur, que  Khaled Chengab connaît assez bien. N’est ce pas Khaled.

 

 

                                                                          Suite ….

                                                                          Youcef le conteur.

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  • je m'appelle ahmed .;je suis réalisateur dans une entreprise publique ..; j'ai 55 ans et une grande expérience professionnelle.. je vis dans une coquette ville  Alger...
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